Vos larmes, c’est un mystère
Bruno de Halleux
Entrer en analyse, c’est croire au sens, croire au chiffrage de l’inconscient, croire à la vérité cachée qui donnerait une réponse, un sens à la question du sujet, qui suis-je ?
Ainsi, l’opération analytique est saisie comme une longue vérification, un long processus de déchiffrage des formations de l’inconscient pour y espérer découvrir un sens ultime à ce qui fait la question de l’analysant.
Or, ce qui se découvre au terme de l’analyse, c’est une découverte opposée à ce qui a fait le moteur même du processus analytique. L’Autre est réduit à son réel, le sujet se libère du sens qu’il n’a cessé de chercher tout au long du parcours.
Toutefois, avant de conclure à la découverte d’un réel imprévisible, d’un réel sans loi, d’un Autre affranchi du sens, il y faut ce parcours de déchiffrage des formations de l’inconscient, il y faut cette réduction des symptômes à leur os, il y faut cette déduction finale et en acte de l’analysant pour consentir à cet effet de sens réel.
Ainsi ai-je saisi une interprétation de l’analyste dans la dernière ligne droite de ma cure. Chaque fois que je resserrais dans le déroulement de ma parole quelques-uns de mes signifiants primordiaux, un torrent de larmes m’empêchait de parler.
Je demandai à l’analyste la raison de ces larmes. Il ne me répondit pas avec du sens. Il ne me renvoya pas à un signifiant autre qui m’aurait relancé une fois encore dans une interminable quête. Sa réponse fut brève, elle relève d’une interprétation asémantique : vos larmes, c’est un mystère.
J’étais alors dans un moment conclusif de l’analyse. Si ces larmes sont hors sens, alors il faut les prendre pour ce qu’elles sont, sans autre signification supplémentaire.
Seuls les signifiants primordiaux séparés de tout sens possible restaient.
Il n’y a plus d’intention, plus de vouloir dire, plus de signification à mes signifiants maîtres, il n’y a plus que l’inconscient réel qui, lui, relève d’un c’est ainsi, d’un amen dont on entend bien qu’il va falloir dorénavant savoir y faire avec cela, avec ces signifiants tous seuls, avec ce réel dégagé du sens.