Une interprétation de l’analyste. L’interprétation-événement

Une Interprétation de l’analyste. L’interprétation-événement

Citations de Jacques-Alain Miller

 

Jacques-Alain Miller donne une indication précise sur ce que serait l’interprétation dans une cure orientée vers le sinthome :

« Dans son Séminaire Le sinthome [Lacan] formule : L’analyste est un sinthome.Il est supporté par le non-sens, alors on lui fait grâce de ses motivations, il ne s’expliquera pas. Bien plutôt jouera-t-il à l’événement de corps, au semblant de traumatisme. Et il lui faudra beaucoup sacrifier pour mériter d’être, ou d’être pris pour, un bout de réel. » [1]

« C'est bien corrélativement à la notion de l'interprétation comme dérangement qu’il faut introduire quelque chose comme le parlêtre, c'est-à-dire une fonction, une notion qui […] va plus loin que l'inconscient.

Lacan a visé quelque chose qui irait au-delà de la notion de l’inconscient et ce qui s'inscrit à cette place, c’est tout de même ce qu'il a appelé le parlêtre où la fonction de l'inconscient se complète du corps. […] pas du corps symbolisé, pas du corps imaginaire, mais de ce qu’il a de réel du corps.

Alors ça indique déjà au moins que l’interprétation comme dérangement mobilise quelque chose du corps. C’est un mode de l’interprétation qui exige qu'elle soit investie par l'analyste et par exemple qu'il y apporte […] le ton, la voix, l'accent, voire le geste et le regard. Il me revenait, en pensant à cette interprétation comme dérangement, une notation faite par une passante qui rapportait comme AE[2] sa cure et ce qui – dans le récit qu'elle en faisait – avait été pour elle le point tournant. Ça n’était pas tout un discours, cette interprétation, comme elle le racontait, c'était dans un long couloir obscur, après la séance, alors qu’elle s'en allait, comme ça, elle était amenée à se retourner parce que l'analyste lui adressait un message qui, tel qu'elle le décrit, était fait d’une sorte de pantomime, une pantomime de dévoration, accompagnée d'un vague grognement, quelque chose qui pourrait être : « Grr… ! ! », et au bon moment, d'apporter le corps, d'apporter la figure.  [Ça] se passe dans le couloir à la sortie, et qui est là un certain mode d'apporter le corps […]. On ne peut pas apporter la pulsion orale ou la pulsion anale, mais on peut apporter en revanche les pulsions spécifiquement lacaniennes qui sont la pulsion scopique et la pulsion invoquante.

Et l’interprétation comme dérangement, il me semble qu’elle fait spécialement fond sur cet apport. Il faudrait quand même, un jour, saisir que ce que laisse quand même en défaut la notion de déchiffrage, c’est que dans l'analyse, il faut que l'un et l'autre apportent leur corps. » [3]

 

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[1] Miller, J.-A., La fuite du sens (1995-1996), L’Orientation lacanienne ii, 14, enseignement prononcé dans le cadre du Département de psychanalyse de Paris 8, leçon du 31 janvier 1996.

[2] Il s’agit du témoignage de Monique Kusnierek.

[3] Miller, J.-A., « L’expérience du réel dans la cure analytique », [1998-1999], L’Orientation lacanienne iii1, enseignement prononcé dans le cadre du Département de psychanalyse de Paris 8, Leçon du 27 janvier 1999.

bibliographieEva Van Rumst