Reproduire le traumatisme produit innocemment
Luc Vander Vennet
Il me semble intéressant, pour le thème du congrès, de mettre en série trois textes de Lacan qui datent tous de 1975.
Dans « L’ombilic du rêve est un trou[1] »,Lacan répond que le parlêtre – nouvelle désignation de l’inconscient – conserve une trace au niveau même de la symbolisation du fait d’être né d’un ventre particulier. Le monde de langage de deux êtres particuliers dans lequel le sujet choit a comme conséquence de le situer d’une façon singulière dans le langage. Le parlêtre sera exclu de cette origine. Le stigmate qui en porte la marque – une cicatrice à un endroit du corps – est un trou, un Unerkannt impossible à « reconnaître ». Ce troumatisme est à la limite de l’analyse.
Dans sa « Conférence à Genève sur le symptôme[2] », Lacan appelle la forme sous laquelle ce langage particulier de ces deux êtres intervient lallation. Cette lalangue modèle l’enfant dans la fonction du symbolisme. Il portera toujours la marque de ce mode de parler qui lui a été instillé. Deux nouvelles définitions en sortent. D’abord, la prise de l’inconscient réside dans ce motérialisme. Dans les rêves, trébuchements et toutes sortes de façons de dire ressortira la façon dont la langue a été parlée et aussi entendue. L’inconscient n’est donc plus une question de sens mais de résonnement. Puis, le parlêtre ne peut se sustenter de cette première empreinte, rencontre des mots avec son corps, que par le symptôme qui devient un évènement de corps.
Passons au Séminaire XIX… ou pire[3]. Les nouvelles définitions de l’inconscient et du symptôme exigent un nouveau mode d’opération, une nouvelle appréhension de l’interprétation. L’opération de l’analyste doit s’articuler à la lalangue traumatique des parents qui a produit innocemment la névrose. L’analyste doit reproduire cette névrose et converger, à partir de son « efflorescence » (S1– S2), vers ce signifiant qui a marqué le corps. Pour y ôter la dose de jouissance ! Parce que ce qui parle est ce qui jouit du corps.
[1] Lacan, Jacques, « L’ombilic du rêve est un trou » Jacques Lacan répond à une question de Marcel Ritter, La Cause du désir, n° 102, juin 2019, p. 35-43.
[2] Lacan Jacques, « Conférence à Genève sur le symptôme », La Cause du désir, n° 95, novembre 2017, p. 7-25.
[3] Lacan, Jacques, Le Séminaire, Livre XIX, … ou pire, Seuil, Paris, 2011, p. 151.